
L’émaillage est une étape essentielle en céramique, apportant à la fois protection et esthétique aux pièces. Cependant, cette pratique génère inévitablement des déchets sous forme d’émaux en surplus, de résidus solides ou d’eaux contaminées. Face aux enjeux environnementaux et à la nécessité de limiter le gaspillage, de nombreuses techniques permettent aujourd’hui de recycler et de réutiliser ces matières premières. Découvrons comment adopter une démarche plus durable et responsable dans votre pratique.
Les émaux céramiques : composition et propriétés
L’émail est une couche vitreuse inorganique qui se fixe sur la céramique pendant la phase de cuisson à haute température (800 à 1250 °C), leur apportant protection et esthétique. Il se compose principalement de trois éléments : le vitrifiant, souvent à base de silice, qui permet la formation du verre ; le fondant, qui abaisse la température de fusion pour faciliter l’application et le stabilisant, qui régule la fluidité et empêche l’émail de couler excessivement lors de la cuisson. Selon la composition et la température, l’émail peut donner un fini brillant, satiné ou mat, avec une large palette de couleurs obtenues par l’ajout d’oxydes métalliques.
Rejeter ses déchets d'émaillage dans le réseau d'eau ?
Lorsqu’on nettoie ses outils ou qu’on applique les émaux par trempage ou pulvérisation, une partie finit immanquablement dans l’eau de rinçage. Or, ces eaux contaminées ne doivent surtout pas être rejetées directement dans les canalisations, sous peine d’introduire des particules minérales et métalliques dans le réseau. Pour traiter ces eaux avant de les jeter ou de les recycler, il faut d’abord séparer l’eau des particules d’émail.
Deux solutions existent : l’évaporation et la filtration. L’évaporation est la plus simple : il suffit de laisser un récipient ouvert à l’air libre et de patienter jusqu’à ce que l’eau s’évapore naturellement, ne laissant qu’une pâte d’émail au fond. La filtration, quant à elle, permet d’accélérer le processus grâce à des produits spécifiques disponibles dans le commerce, qui agglomèrent les particules en suspension et facilitent leur récupération. Une fois l’émail extrait sous forme de boue, il peut être soit jeté en déchetterie spécialisée avec les déchets dangereux, soit réutilisé.
Réutiliser ses déchets d'émaillage

Plutôt que de jeter les restes d’émaux usagés, certain·es céramistes optent pour la technique de l’émail mystère. Cette méthode consiste à mélanger divers résidus d’émaux récupérés au fond des seaux ou issus du nettoyage des outils, sans chercher à recréer une formule précise. L’objectif est de laisser place à la surprise lors de la cuisson, les combinaisons aléatoires pouvant donner naissance à des effets inédits : variations de couleurs inattendues, textures originales ou réactions chimiques imprévues.
Bien que cette approche repose en grande partie sur le hasard, elle peut être affinée avec l’expérience. En notant les compositions approximatives et les résultats obtenus, il devient possible de reproduire certains effets. L’émail mystère incarne ainsi une démarche à la fois écoresponsable et expérimentale, qui séduit les céramistes cherchant à valoriser chaque matière première jusqu’au bout.
Une autre technique, présentée par Matthieu Liévois, consiste à réutiliser les émaux dans un style bien précis : le pas japonais. Cette méthode permet de donner une nouvelle fonction aux émaux recyclés en les intégrant à des créations pensées pour sublimer leur seconde vie au travers de leurs caractéristiques bien particulières.
Comment minimiser des déchets d'émaillage ?

Le choix de la méthode d’application influe directement sur la quantité de matière perdue et donc sur l’impact environnemental du processus. Le trempage et la pulvérisation, bien que très utilisés, génèrent davantage de résidus que l’application au pinceau, qui offre un meilleur contrôle du dosage. Pour limiter les pertes lors de la pulvérisation, il est essentiel de bien régler le pistolet et d’utiliser un espace de travail adapté permettant de récupérer l’excès d’émail. La mise en place de bacs de filtration ou de surfaces de collecte permet de récupérer les surplus et d’envisager leur réutilisation.
Par ailleurs, une planification rigoureuse de la production joue un rôle clé dans la réduction des déchets. Préparer uniquement les quantités nécessaires d’émail, en fonction du nombre de pièces à émailler, évite l’accumulation de restes difficiles à recycler. L’échantillonnage préalable sur de petites pièces est également une étape importante : il permet d’ajuster la consistance et la teinte de l’émail avant son application sur l’ensemble de la production, limitant ainsi les erreurs et le gaspillage. Ces bonnes pratiques, simples à mettre en place, garantissent un usage optimal des matériaux.
Recycler les émaux et minimiser les déchets d’émaillage sont des démarches à la fois écologiques et économiques, qui s’intègrent parfaitement dans une pratique artisanale responsable. En adoptant des solutions simples comme la récupération des eaux usées, la réutilisation des émaux résiduels ou une meilleure planification de la production, chaque céramiste peut réduire son impact environnemental.
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