Le bois a longtemps été utilisé dans des environnements sensibles, comme l'industrie alimentaire, avant d'être remplacé par le plastique, jugé plus hygiénique. Cependant, des études récentes remettent en question cette croyance, révélant que le bois pourrait avoir des propriétés antibactériennes. Cet article explore les recherches sur le potentiel du bois à limiter la croissance des bactéries et son impact sur les pratiques d'hygiène.
Folklore et réglementation autour de la question
Historiquement, le bois a été largement utilisé dans le traitement des aliments et la construction, bénéficiant de pratiques telles que l’utilisation de sciure de pin pour nettoyer les sols des boucheries, souillés de sang et de gras, ce qui reflète la confiance en ses propriétés d'assainissement. Les planches à découper et autres équipements en bois étaient courants. Avec l'essor des matériaux modernes, le plastique a remplacé le bois dans de nombreux environnements sensibles, en raison de sa facilité de nettoyage. Des réglementations ont été établies pour limiter l'utilisation du bois, jugé moins hygiénique. Cependant, des études récentes montrent que le plastique ne garantit pas une hygiène parfaite, les bactéries pouvant y survivre et s'accumuler malgré les nettoyages. Ce constat a conduit à une réévaluation des propriétés du bois, remettant en question son exclusion des secteurs où il avait été banni.
Un peu de théorie sur le bois
Le bois est constitué principalement de cellulose, lignine et sa structure poreuse influence ses propriétés antibactériennes. Il existe une différence importante entre le bois de bout, avec ses fibres perpendiculaires à la surface, et le bois longitudinal, où les fibres sont parallèles. Le bois de bout est plus absorbant, ce qui peut influencer la rétention d'humidité et donc la survie des bactéries. Les propriétés antibactériennes du bois pourraient varier selon l'essence et la direction des fibres. Le pin semble avoir des propriétés antibactériennes, tandis que d'autres études suggèrent que les tanins pourraient avoir un impact et d'autres essences seraient moins efficaces. Comprendre ces variations est essentiel pour sélectionner le bois approprié pour des applications spécifiques, mais aussi comprendre les études scientifiques sur le sujet.
Que disent les études scientifiques ?
Des études récentes mettent en lumière l'effet du bois sur la survie des bactéries. L'Office fédéral de biologie a observé que certaines essences possèdent des propriétés antibactériennes notables. Les recherches montrent que les bactéries sont moins viables sur le bois que sur d'autres surfaces, même avec une charge bactérienne élevée. En particulier, le pin réduit le nombre de bactéries non seulement à la surface, mais également en profondeur, grâce à ses propriétés hygroscopiques et ses substances antibactériennes naturelles. Les essais pratiques, comme ceux menés par l’Institut allemand de technologie alimentaire, confirment ces résultats. Ils montrent que les palettes en bois peuvent avoir une charge bactérienne inférieure à celle des palettes en plastique, surtout lorsqu’elles sont fabriquées à partir de pin avec des traitements spécifiques. Cependant, ces propriétés varient selon l’essence et les conditions d’utilisation, indiquant que le choix du bois et son traitement sont cruciaux pour maximiser ses effets antibactériens.
Pourquoi les études ne sont pas unanimes ?
Étudier la survie des bactéries sur le bois présente plusieurs défis méthodologiques. Les variations entre les types de bois, leur condition physique, et les méthodes expérimentales compliquent l'évaluation des propriétés antibactérienne. Les méthodes d'extraction et les tests de dilution en milieu liquide permettent d'identifier les composés actifs, mais peuvent ne pas refléter complètement leur efficacité sur les surfaces en bois. Les difficultés incluent la récupération des bactéries, influencée par la porosité et l'hygroscopicité du bois, ainsi que l'absence de protocoles standardisés. Des approches plus avancées, comme les techniques génétiques, pourraient améliorer la précision des études sur la survie des bactéries. Cependant, ces méthodes nécessitent encore des perfectionnements pour offrir une évaluation plus précise de la capacité du bois à inhiber les bactéries. Ainsi, bien que le bois présente un potentiel antibactérien intéressant, des améliorations méthodologiques sont essentielles pour comprendre pleinement ses propriétés en termes de survie des bactéries.
Et les planches à découper en bois alors ?
La raison pour laquelle on s'intéresse à cette question, est en partie celle des planches à découper en bois versus celles en plastiques. Actuellement, le plastique est préféré dans les environnements alimentaires en raison de sa surface lisse, facile à nettoyer et à désinfecter. Sauf qu'en pratique, on se rend compte que le plastique n'est pas si performant que cela, d'autant plus lorsqu'il est de piètre qualité. Les planches en plastiques ont un défaut majeur, c'est leur dégradation face aux couteaux. En effet, le plastique s'entaille petit à petit (laissant probablement des micro-particules de plastiques dans les aliments) et ceci offre un "nid" pour les bactéries dont il est plus difficile de les déloger. L'argument de l'hygiène est donc à remettre en question.
Les planches en bois sont constituées d'une matière naturelle (donc pas de micro-particules toxiques), la résistance est généralement meilleure que le plastique (donc peu ou pas d'entailles) et il est possible de les poncer de nouveau afin d'obtenir une surface lisse.
Est-ce une question si importante à se poser ?
On pourrait penser que c'est une question presque inutile, mais lorsqu'on pense aux hôpitaux ou aux milieux agroalimentaire, le risque bactériologique n'est pas à négliger. Ceci s'illustre simplement par la contamination croisée : si vous découpez du poulet contaminé par des bactéries, comme la salmonelle, ces bactéries peuvent ensuite être transférées sur un autre aliment, comme une tomate, découpé sur la même surface sans un nettoyage adéquat. Lorsque le poulet est cuit de la bonne manière, alors la bactérie n'aura pas survécu lorsqu'elle arrivera dans l'assiette, néanmoins, si la tomate contaminée, vous la mangez cru, et bien vous serez infectée par la salmonellose. Appliquez ce phénomène à l'échelle d'un hôpital et l'augmentation des infections alimentaires augmentera en flèche !
La question est donc "le bois est-il plus hygiénique ?" voir même "a-t-il des propriétés anti-bactériennes" est pertinente. Cette question semble assez simple à étudier, mais la complexité réside dans le fait qu'il existe des dizaines de milliers de variétés d'arbres et que le bois est une matière hétérogène, d'où la nécessité d'une étude à très grande échelle, ce que la science semble faire petit à petit. Il faudra donc s'armer de patience avant de (re)voir apparaître des planches à découper en bois dans les milieux sensibles.
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